Née en Limousin au XIe siècle, la poésie des troubadours a rayonné sur tous le Pays d’Oc avant de s’étendre à l’Europe. Dès les premières manifestations littéraires, les troubadours des différentes régions du domaine occitan adoptent une « koïné », sorte de langue commune se superposant aux dialectes de la langue d’oc. Le choix de cette langue littéraire s’est fait sans doute par imitation des premiers troubadours. D’après Pierre BEC « Les dialectes existaient déjà, certes (moins différenciés toutefois qu’aujourd’hui et servaient à la conversation quotidienne, mais la langue était une, c’est ce qui permit son rayonnement ».
Au XIIe siècle et au début du XIIIe siècle, on entend chanter occitan en France, Italie, Espagne, Portugal, Allemagne, Angleterre, Sicile : « le trobar est devenu l’affaire de toute l’Europe intellectuelle » dit Robert LAFONT. Le Pays-Niçois et la Provence n’ont pas échappé à ce raz de marée culturel qui a submergé le monde occidental de l’époque. Nous sommes fiers de présenter ici quelques-uns de ces troubadours qui ont participé à cette épopée.
BLACATZ, qui était seigneur d’Aups dans le Var et que d’autres historiens situent à Eze dans les Alpes-Maritimes. Il est mentionné dès 1194, décédé vers 1239. Sa « Vida » ou biographie est assez sommaire :
« En Blacatz si fo de Proensa, gentils bars et autz e rics, larcs e adreichs. E plac li dons e domneis e guerra e messios e cortz e mazans e bruda e chanz e solatz, e tuich aquil faich per qu’om bons a pretz e valor… »
(Blacatz fut seigneur de Provence, noble baron, homme de haut rang et riche, généreux et juste. Voici ce qui lui plut : présents, galanterie, guerre, dépenses, cours, fêtes bruyantes, chants et joie et toutes les actions grâce auxquelles un homme de qualité acquiert mérite et valeur…)
De lui nous avons conservé une « canson », trois « partimens » et six « tensons » dont une échangée avec un autre troubadour : Peire VIDAL.
BLACASSETZ, parent du précédent et non son fils comme le conte sa vie, troubadour provençal, mais considéré comme troubadour du Pays-Niçois par certains historiens, fut un familier de Raimon Béranger V et de Charles d’Anjou :
« En Blacassetz si fo fills d’En Blacatz, que fon lo meiller gentil hom de Proenza e.l plus onratz baros e.l plus adreitz e.l plus larcs e.l plus cortes e.l plus gracios… »
(Le seigneur Blacassetz fut le fils du seigneur Blacatz, qui fut le meilleur gentillomme de Provence, le baron le plus honoré, le plus adroit, le plus généreux, le plus courtois et le plus gracieux…)
On le signale encore vivant en 1279 et serait mort aux alentours de 1300. Il est l’auteur d’un « sirventés », de six « coblas » ; au total une dizaine de pièces variées, dont le fameux « Ben vòlgra que venqués mercés » que nous présentons ici. A signaler l’adaptation musicale dans l’ouvrage « Las cançons dels trobadors » ; melodias publicadas per Ismaël Fernandez de la Cuesta. IEO Tolosa 1979 Pages 563 et 564.
Domna’lh géncer de las gençors,
Vos, si com vòstra grands valors
Tota celas que valor an
Venç, qu’ieu fora rics amb aitan(t)
Car puèis non feira falhença,
ço qu’ieu desir amb temença
S’aissi pogués vòstre orguèlh adoucir,
Qu’òms vos i fai per la melhor tenir.
D’une dame, la belle entre les belles,
Vous, car votre haut prix domine
Toutes celles qui ont du prix :
Je serais riche
Si ne me manquait pas
Ce que je désire en tremblant,
Si je pouvais adoucir votre dureté,
Car on vous tient pour la meilleure.)
Peire de CASTERNOU, que certains historiens situent à Châteauneuf de Contes, est mentionné en 1265 et sa poésie était appréciée de tous. Il écrivit un sirventés sur la bataille de Bénévent. La légende raconte qu’ayant été fait prisonnier par des brigands, il eut la vie sauve en chantant un poème à la gloire de ses ravisseurs. Nous n’avons rien conservé de son oeuvre.
(à suivre…)