Depuis la fameuse Loi Deixone de 1951, régulièrement les langues régionales de France (basque, breton, corse, catalan etc…) et celles de l’Outre-mer (tahitien, créole etc…), sont soumises à des règlements, des décrets ou des lois visant à les promotionner. À la mi-juin, le Sénat français examinera un nouveau texte de loi dont voici le contenu…
N° 251 rectifié
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2010-2011
Enregistré à la Présidence du Sénat le 25 janvier 2011
PROPOSITION DE LOI
relative au développement des langues et cultures régionales,
PRÉSENTÉE
Par MM. Robert NAVARRO, Jean-Pierre BEL, Jean-Marc PASTOR, Claude BÉRIT-DÉBAT, Alain ANZIANI, Didier GUILLAUME, Jean-Jacques MIRASSOU, Jean-Noël GUÉRINI, Serge ANDREONI, Jean BESSON, Georges PATIENT, Mme Bernadette BOURZAI, M. Roland POVINELLI, Mme Patricia SCHILLINGER, MM. Roland COURTEAU, François MARC, Roland RIES, Yves CHASTAN, Richard TUHEIAVA, Simon SUTOUR, Mmes Annie JARRAUD-VERGNOLLE, Michèle ANDRÉ, Catherine TASCA, Odette HERVIAUX, M. Gérard COLLOMB, Mme Maryvonne BLONDIN, MM. Marcel RAINAUD, Ronan KERDRAON, Jean-Luc FICHET, Yannick BOTREL, Serge LARCHER, Jacky LE MENN, Mme Françoise LAURENT-PERRIGOT, MM. Gérard MIQUEL, Jean-Pierre SUEUR, Pierre MAUROY, Mme Jacqueline ALQUIER et les membres du groupe socialiste et apparentés, Sénateurs (Envoyée à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, sous réserve de la constitutionéventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Ce texte est issu des travaux d’adaptation menés par les sénateurs du groupe sur une proposition de loi relative aux langues et cultures régionales faite par Armand JUNG à l’Assemblée nationale. Ce travail a tenu compte de l’ensemble des remarques exprimées par les camarades non signataires de la première proposition de loi. Notre objectif en inscrivant cette proposition de loi rectifiée à l’ordre du jour est de mettre un terme à l’hypocrisie frappant nos langues et cultures régionales.
Nos langues et cultures régionales sont notre patrimoine commun et une partie du patrimoine de l’humanité. Face à certains exemples récents de comportements discriminatoires envers celles-ci et conscients de l’héritage qu’elles représentent mais aussi de leur fragilité, nous, acteurs politiques, estimons qu’il est de notre devoir d’assurer l’épanouissement de ces langues sur notre territoire: ne rien faire reviendrait à précipiter leur disparition ou, tout du moins, leur effacement. La République, elle aussi, a ici son rôle à jouer: gardienne des valeurs et des principes fondamentaux, elle doit être attentive aux demandes, aux attentes, à la vie de ces langues et cultures qui existent sur son territoire, en métropole comme outre-mer.
La France, régulièrement dénoncée par le Conseil de l’Europe et les Nations unies pour son manque de volonté à conférer aux langues régionales un cadre juridique protecteur, élude jusqu’à présent le débat. Pourtant, un tel statut est, à nos yeux, nécessaire!
Notre pays protège bien ses monuments historiques ainsi que ses oeuvres artistiques. Des mesures et structures administratives ont été mises en place, des fonctionnaires ont été recrutés et formés pour en assurer leur valorisation. Pourquoi la France ne porterait-elle pas la même attention à son patrimoine linguistique ainsi qu’à sa diversité culturelle? Cela relève également de son devoir!
Nous ne pouvons que constater que cette demande est relayée de façon de plus en plus appuyée par nos élus locaux. Véritables baromètres des situations à l’échelle régionale, ceux-ci peuvent vouloir le respect d’abord, le développement ensuite, d’une langue parlée par la population sur leur territoire. Il ne faut pas non plus s’étonner que cette montée de la demande linguistique et culturelle fasse écho: le développement local et la démocratie de proximité font partie des armes contre la crise. De nombreuses collectivités territoriales ont d’ailleurs déjà engagé des actions politiques en ce sens.
Conscients de ces nombreux enjeux et sollicitations, nous estimons qu’il est à présent temps de bâtir une véritable politique cohérente et suivie en matière de valorisation et protection des langues et cultures régionales! Forts de cette conviction, nous avons travaillé à une proposition de loi visant à doter celles-ci d’un cadre juridique propice à leur développement.
Cependant, cette initiative, nous tenons à le souligner, ne vise pas à affaiblir la langue française: celle-ci reste la langue et le ciment de la République. Notons que si son rayonnement est menacé, ce serait davantage au niveau mondial: supplantée par la langue anglaise (et bientôt, pourquoi pas, par la langue chinoise!) dans les instances internationales et même européennes, au cours de rencontres entre chercheurs, d’échanges intellectuels et artistiques, de partenariats et de négociations dans les domaines de l’industrie, du commerce et des finances.
Par ailleurs, cette politique que nous voulons ambitieuse pour les langues et cultures régionales mérite d’être accompagnée par un grand projet pour la francophonie. En effet, langue française et langues régionales sont des langues amies à l’intérieur du pays et alliées à l’extérieur. Et notons que la culture française n’est pas seulement la culture de langue française: le Prix Nobel de Littérature décerné en 1904 à Frédéric Mistral, écrivain de langue occitane, a bien rejailli sur l’ensemble de la France!
Dès les années 50, puis 70, 80 et 90, plusieurs textes ministériels ont montré la voie quant au développement et à l’enseignement des langues et cultures régionales. En 2008, un article a été ajouté à notre Constitution (l’article 75.1), soulignant que «Les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France». Nous devons à présent prolonger cette action afin de faire en sorte que cet article soit suivi d’effets au sein de notre législation et puisse mettre un terme à une certaine hypocrisie latente. La reconnaissance des langues et cultures régionales est en effet un prolongement logique de la décentralisation. Son processus n’est pas terminé, et nous tenons à préciser que ce choix n’est pas contradictoire avec l’affirmation de l’importance de l’État.
Pour travailler dans le sens de la reconnaissance juridique de nos langues et cultures régionales, nous souhaitons reprendre et mettre en oeuvre, à travers cette proposition de loi, les 10 principes énoncés par Bernard POIGNANT dans son rapport commandé par Lionel JOSPIN en 1998, alors Premier ministre. Ce rapport s’intitulait: «Étude sur la compatibilité entre la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires et la Constitution». Ce texte préconisait la signature de plusieurs engagements issus de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, et dressait des propositions pour l’enseignement et la culture.
Notre objectif est de mettre en œuvre ces principes et de doter la France d’un cadre juridique propice au développement et à l’épanouissement des langues et cultures régionales. Nous espérons non seulement œuvrer en faveur d’une démocratie de proximité mais tenons également à rester fidèles à la philosophie de Jean Jaurès, exprimée dans cette citation: «Il n’y a pas de meilleur exercice pour l’esprit que les comparaisons entre la langue occitane et la langue française par exemple; cette recherche des analogies et des différences en une matière que l’on connaît bien est une des meilleures préparations à l’intelligence».
Per legir la lei sus lo site dau Senat : http://www.senat.fr/leg/ppl10-251.html