Pour répondre aux interrogations de DLM, mais aussi de tous ceux qui se posent des questions sur les graphies de la langue d’oc, voici un petit article rédigé par Andrieu et qui emprunte ses exemples au Provençal. Pour ceux qui utilisent le Niçois, ils rectifiront d’eux-mêmes les quelques différences, notamment celles qui concernent les articles et le pluriel des adjectifs.

LES GRAPHIES DE LA LANGUE D’OC

– La graphie permet la représentation écrite des mots au moyen de signes, les lettres, qui correspondent à des sons.

– La valeur phonique des lettres est conventionnelle, elle est donc variable selon les langues. Ainsi, la consonne « J » ne représente pas le même son en français, en allemand, en anglais, en espagnol, en occitan ou en catalan. Elle ne représente rien en italien où elle n’est pas utilisée. Il en est de même pour les autres consonnes et pour les voyelles.

– Dès l’apparition de la langue occitane dans les écrits, aux environs de 950, et pendant le Moyen Age, les textes littéraires, scientifiques et administratifs montrent qu’une graphie relativement unifiée, héritée de la graphie du latin, est utilisée dans tout l’espace occitan.

– A partir du XVIème. siècle, le pouvoir politique impose l’usage administratif du français (Edit de Villers-Cotterêts, 1539), et, en pays niçois, de l’italien (Edit de Turin, 1561) puisque Nice s’est « donnée » à la Maison de Savoie en 1388. La graphie utilisée jusque là se perd et les textes occitans sont désormais notés d’une façon fantaisiste, inspirée de la graphie du français ou de celle de l’italien.

– Au XIXème. siècle, Roumanille met au point pour le provençal littéraire standard, élaboré à partir du rhodanien, une graphie qui sera celle du Félibrige. Elle se veut « phonétique » (ni le « s » du pluriel, ni le « r » de l’infinitif, ou le « t » des participes,… ne sont notés puisqu’ils ne sont pas prononcés, du moins en rhodanien) et, s’inspirant, en grande partie, de celle du français, elle est facile à apprendre pour un francophone mais son adaptation aux autres dialectes d’oc se révèle incommode.
La création de cette graphie s’accompagne d’une volonté de centralisation linguistique : le provençal littéraire standard (qualifié de « vrai provençal »), utilisé dans leurs écrits par les Félibres et par le plus illustre d’entre eux, Frédéric Mistral, est présenté comme la langue littéraire de tout le pays d’oc.
En Provence, une part des Marseillais, des Niçois et des Alpins protestent contre ce centralisme de la langue. Au même moment, en Limousin, puis en Languedoc, l’on préconise le retour à la graphie ancienne.

– En 1935, le Languedocien Alibert, met au point une graphie dite « classique » inspirée de la norme ancienne, mais adaptée à la langue moderne. Non phonétique, elle est unitaire, tout en respectant les différents dialectes d’oc. Elle rend accessible à chaque usager de l’occitan les textes de toutes les régions et de toutes les époques.
L’Institut d’Etudes Occitanes en préconise l’usage.
Le Félibrige, quant à lui, a choisi le provençal littéraire standard et la graphie de Roumanille pour rédiger ses textes officiels. Cependant, les Félibres ont la liberté d’employer la graphie de leur choix. Ainsi, en Provence, aujourd’hui, utilisent-ils la graphie de Roumanille, alors que dans les autres régions d’oc, ils ont opté majoritairement pour la graphie « classique ».

– L’IEO plaide pour la tolérance. Considérant qu’en Provence les deux graphies « historiques » de la langue d’oc sont légitimes, l’IEO affirme qu’il convient, en tout cas, de respecter le choix des auteurs et considère qu’il est nécessaire que chacun soit capable, sinon d’écrire, du moins de lire, l’une et l’autre.

CORRESPONDANCE ENTRE LES DEUX GRAPHIES

(les différences indiquées ci-dessous sont uniquement graphiques ; elles ne modifient en rien la prononciation)

Graphie classique: G.C.
Graphie de Roumanille: G.R.

Traîtement du son [u] (Alphabet Phonétique International :API)

G.C. : O / Ó (amorós)
G.R.: OU (amourous)

Le « o » tonique

G.C. : ò (Antòni)
G.R.: o (Antoni)

Le « o » atone final

G.C. : A final (pala)
G.R.: O final (palo)

La diphtongaison du « o »

G.C. : Ò diphtongué (pòrt)
G.R.: O/OUO/OUA/OUE (pouor/pouar/pouer)

Les participes passés :

G.C. : AT/IT/UT (cantat/finit/vengut)
G.R.: A/I/U (canta/fini/vengu)

Les infinitifs :

G.C.: AR/IR/ER (cantar, finir, aver)
G.R.: A/I/E (canta/fini/avé)

La conjugaison :

G.C. : AN étymologique (cantan/cantavan)
G.R.: ON (canton/cantavon)

G.C. : -M 1ère pers. pl. (siam)
G.R.: -N 1ère pers. pl. (sian)

G.C. : -TZ 2e pers pl. (siatz)
G.R.: -S 2e pers. pl. (sias)

G.C. : A/Á
-(cantavas/siáu/aviás)
G.R.: E/É
-(cantaves/siéu/aviés)

Le pluriel des noms

G.C. : (leis òmes)
G.R.: (leis/lis ome)
G.C. : (lei fremas)
G.R.: (lei/li fremo)

Le pluriel des adjectifs

G.C. : m.p.(grands), f.p. (grandas)
G.R.: m.p.((grand), f.p. (grando)

Le digramme « nh »-« gn » :

G.C. : NH (montanha), GN (signe)
G.R.: GN (mountagno), GN (signe)

Le « l » palatal ou mouillé généralement réduit à [j] en Provence (et à Nice) :

G.C. : réalisé par le digramme LH (palha)
G.R.: réalisé par le I (paio)

Les lettres étymologiques :

G.C. : S/Ç/T/TZ/CH

-(pas/patz) français : un pas, la paix
-(las/laç/latz) fr. : fatigué, lacet, côté
-(libertat): fr. liberté
-(lach): fr. Lait

G.R.: Pas de lettre étym.

-( pas/pas) français : un pas, la paix
-(las/las/las) fr. : fatigué, lacet, côté
-(liberta) fr. liberté
-(la) fr. Lait

G.C. : Á (farmaciá, librariá) noms féminins
G.R.: É (farmacié, librarié) noms féminins

L’utilisation du « tréma » ou du « h »

G.C. : « ¨ » (coërent)
G.R.: H(couherènt)

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