Jean-Marie LAMBLARD, nous propose régulièrement ses  » LETTRES DE NOTRE ARCHIPEL « . Pour ceux qui l’ignoreraient encore, nous avons établi un lien internet avec son site (voir en bas d’article). Nous vous proposons aujourd’hui la lecture de sa dernière lettre comme l’auteur nous y invite…

LETTRES DE NOTRE ARCHIPEL. 21 Juin 2005. Musique !

À tous, aux amis, aux curieux.

Mi-juin, voici venu le temps des “festivals”. Spectacles donnés dans des lieux improbables. Avignon et ses spectateurs professionnels, Aix, Orange… Baste !
Prenez plutôt les chemins de traverse. La Provence attend ses visiteurs, elle ne sera pas avare de couleur locale ni de tutupanpan, si cela vous dit.

Reste-t-il encore quelques cigales ? Dans les garrigues probablement, là où l’on ne les empoisonne pas. Il n’y en a quasiment plus dans les villages et c’est tant mieux.
Avant l’invention du DDT, elles vous cassaient les oreilles à rendre sourd un moinillon. Sur la place, toute conversation devenait impossible.

Où ai-je lu que les Arlésiens du XVIe siècle intentèrent un procès contre les cigales qui furent solennellement bannies de la ville en tant que fléau du Diable ?
Dans mon enfance encore, lorsque arrivait la saison, des millions de cigales, cigalastres et cancans, inondaient l’air de leurs crissements assourdissants, interminables : “sègue ! sègue ! sègue !” (fauche ! scie ! ça va ça vient !), chantent ces diablesses, si l’on en croit les bergers…
Et quand je vous disais qu’elles peuvent rendre sourd : le folklore obscène des petits garçons -qui n’en ratent pas une-, entend faire chanter les cigales ainsi, “sègue ! sègue ! sègue !… Restons-en là. Les cigales n’ont pas de savoir-vivre, elles stridulent continûment, sans vergogne, en suçant la sève. Les pintades, soit dit en passant, ne crient vraiment que lorsqu’il y a un prédateur, un endimanché ou un touriste.

Le touriste veut du folklore paraît-il. “Lou soulèu me fai canta !”, c’était la devise de Frédéric MISTRAL. Hélas, que reste-t-il du poète de Miréio, de l’Anglore, de Vincent, du Renégat ?… Au touriste, on offrira une cigale, en céramique de HongKong, en souvenir du poète.

Jean GIONO n’aimait pas Frédéric MISTRAL : “À l’âge où j’avais besoin de poète pour comprendre le monde, on me proposa ex cathedra un chantre de comice agricole, un barbichu à grand chapeau, valet du trône et de l’autel, plein d’emphase, de fausseté et de suffisance. Or, j’étais timide. Où le barde fracassait des tambours et fricassait des cigales, j’avais envie d’écouter le gémissement des solitudes. Si les vraies traditions de mon pays avaient été ces chienlits qu’on faisait défiler dans Arles, ces fanfaronnades qu’on claironnait à tous les échos, je me serais fait naturaliser Samoyède.” (On n’a jamais fini de connaître… 1957.) Arrêtons.
GIONO ne vivait point de la même Provence que MISTRAL, il glorifiait la ruralité pure des villages haut-alpins.
Il y a plusieurs Provence, nous le savons, la Provence secrète des héros de GIONO, la Provence volubile des personnages de DAUDET, Provence accentuée de PAGNOL…
L’univers arcadien ou virgilien de MISTRAL est en effet plus proche de l’onaniste turlutaine des cigales, dont HÉSIODE attribue l’invention aux bergers de l’Hélicon, que des êtres de chair et de sang de GIONO.

Je ne sais si dans Arles défilent toujours les “bouffets” du mercredi des Cendres, les “chie-en-lit” qui chagrinaient tant GIONO, mais je connais là-bas un lieu de calme et d’intelligence rare. C’est le Musée de l’Arles et de la Provence antique ancré au bord du Rhône. Des merveilles y sont exposées dans un espace de promenade et de beauté. Les sarcophages païens sont de pures merveilles.

Le Grand PAN est mort, MISTRAL et GIONO aussi.
Une bonne nouvelle : Claude ALRANQ est de retour ! ALRANQ, c’est une des voix les plus puissantes du théâtre d’Oc. Auteur et dramaturge populaire, créateur du mythique “Teatre de la Carriera”, Claude ALRANQ reprend du service sur la scène. Renseignement : La Rampe, TIO, tel. 04 67 58 30 19.

Et pour la fête de la musique, COROU DE BERRA toujours ! (Voir l’article sur le site de l’IEO-06)

Quant à Frédéric MISTRAL, entrez donc dans le site : “Lettres de notre Archipel”

http://www.lamblard.com

“Lou soulèu me fai canta, e tu me fas …”
Bon, j’arrête ici. Courtoisement votre. Faites suivre.

JML.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *