Coma lo sabètz,
« Dans le cadre de la célébration des 160 ans du Rattachement, Monsieur le Maire de Nice a souhaité rassembler autour d’une réflexion commune sur : « Qu’est-ce qu’être niçois aujourd’hui ? »
Il a souhaité organiser un groupe de travail fondé sur la connaissance de notre identité. Vous y exprimerez, si vous le désirez, votre vision de l’identité niçoise et partagerez votre savoir.
L’objectif est de proposer, à l’issue de nos réunions de travail, un document de synthèse qui sera le fruit de nos échanges et qui pourra ainsi être utilisé comme base de travail pour les deux autres groupes constitués par Monsieur le Maire. Ils auront vocation à étudier la transmission de notre identité à nos jeunes, d’une part, et à envisager son partage avec tous, d’autre part ».
Segurs que l’IEO-06 a de que dire rapòrt a’n aquesta question, nautres, es a dire ieu, Maurici Casciani, Rogier Gilli e Anna-Maria Garcia-Sgaravizzi, participeriam ai acamps de decembre, e mi donèt l’idea d’escriure aqueu tèxte :
(J’avais écrit ce texte à la première personne, et notre président et ami Maurici, à sa lecture, m’écrivit que seria milhor de parlar embé nous en plaça de je, en pensant que notre association se retrouve dans la vision que j’exprime ; c’est fait, dans la deuxième partie du texte)
J’ai retenu quelques mots : racines – partage – avenir – sentiment amoureux – communauté.
J’ai moi-même insisté sur la place centrale de notre langue et de sa transmission, parce que c’est un élément qui fait partie de mon expérience personnelle, professionnelle et associative, et parce que je pense que c’est l’élément qui rassemble toutes les facettes de nos regards et de nos sentiments par rapport à cette question. Je constate d’ailleurs que les mots que je viens d’évoquer sont très présents dans notre littérature en langue d’oc, connue sous le nom de « littérature régionale ».
Avant d’élargir mon propos, je dois dire d’abord que je pense qu’une formule que j’ai entendue est pertinente : il n’y a pas de frontière entre connaitre, transmettre, partager. Il faut faire vivre ce bonheur et cette chance d’être quelque part, d’être bien quelque part.
J’ai noté aussi une belle démarche : la ville appartient à celui qui la parcourt ; je dirais volontiers que parcourir les chemins qui entrecroisent les générations et notre expérience actuelle nous fait appartenir à la ville.
Nous nous invitons à réfléchir à deux points :
la culture : nous savons qu’elle n’a rien de génétique, et qu’elle se constitue dans les relations avec notre environnement physique et social. Nous entendons souvent parler de double culture, mais nous pensons que cette idée nous emmène sur une fausse piste. Considérons plutôt que chaque homme, chaque femme, est un être de culture, sa culture, qui est formée à partir de toutes les influences et de tous les apprentissages tout au long de sa vie, et que chacun peut – ou pas – avoir le curiosité et les moyens de développer. Notre idée pourrait être alors de chercher comment la collectivité – l’institution en demande, la commune de Nice dans le cas présent – et ses partenaires – les associations – peuvent donner à chacun des atouts pour qu’il fasse vivre de façon harmonieuse tous les apports, et parmi lesquels le fait niçois a sa part de lumière.
L’identité : soyons d’accord sur le sens qui nous intéresse : est-ce le fait de chercher dans le groupe ce qui ferait que nous voudrions être identiques, en fonction d’une norme identitaire que l’on définirait comme « être niçois » ? Je pense que ce n’est pas la voie que nous recherchons, et que nous devons refuser de parler d’une voix identitaire qui ne construit rien.
Ou bien est-ce que c’est le fait de savoir ce qui différencie le groupe de ceux qui se reconnaissent comme « être niçois » d’autres groupes, grâce à un corpus de référents et de faits objectifs, qui constitue le spécificité de ce groupe ? Il y a dans ce sens une compréhension ouverte, qui reconnaît dans le groupe des personnes très différentes, mais ayant en commun la curiosité de connaître ce corpus, de l’enrichir, de le faire évoluer. On est là dans une conception riche que pour ma part je revendique comme étant porteuse de citoyenneté et que je qualifie volontiers de réalité culturelle qui cerne les contours de l’identité et qui rend compte à la fois de :
sa présence permanente
sa qualité d’être actuelle, vivante et en évolution
la curiosité et l’adhésion qu’elle suscite
Il nous semble que ces trois caractéristiques contiennent ce que l’on nomme généralement, faute de savoir l’expliquer, « l’âme », « le mystère ».
De manière concrète, pour aller plus loin et donner des éléments de réponse à la question posée, nous nous permettons de faire une proposition qui pourrait soutenir notre soif de connaissance et nous conduire sur les chemins de la transmission et du partage, dont nous savons qu’ils sont les supports du « bien vivre ensemble » (la convivença, et nous nous retrouvons là sur les traces des troubadours) : ce serait d’écrire une (titre à trouver ?) « charte de l’identité niçoise du 21è siecle » qui recueillerait l’assentiment de tous les partenaires concernés et qui pourrait contenir :
les grands principes qui guident la rédaction d’une telle charte : ouverture, tolérance, partage ;
les éléments qui sont nos repères, dans tous les domaines de la culture ;
l’invitation à être ambassadeur de cet attachement à notre culture commune.
Nous citerons brièvement deux autres propositions que nous aurions intérêt à développer plus avant :
1 – J’ai eu l’occasion, pendant des années, d’organiser, en particulier avec le professeur d’occitan-langue d’oc de mon secteur, et avec de nombreux autres collègues, des rencontres entre les élèves qui apprenaient le niçois dans leur classe, autant en primaire qu’au collège. Je pense que ce serait judicieux que la commune soutienne des initiatives de ce type, et qu’elle poursuive plus avant son implication dans la transmission de la langue en formant massivement les intervenants dans les écoles et les centres de loisirs (agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles, animateurs) afin de compléter l’action de l’éducation nationale et d’encourager le bilinguisme précoce dont on connait tous les avantages.
(la récente signature d’une nouvelle convention pour l’ouverture d’une classe bilingue a l’école maternelle Fònt Cauda va dans ce sens)
2 – Nous suggérons un soutien très volontariste à la création en langue, en particulier à l’édition et à la création dans les domaines des arts vivant (musicale et théâtrale en particulier).
Pour terminer, et si je ne devais n’emmener qu’une image, qu’une idée, qu’un souvenir, qu’un mot de Nice sur une île déserte, je choisirais le canon ; il me suggère l’enfant qui, à la détonation, se dépêche de retourner chez sa grand-mère qui l’attend, il sait que le repas est prêt sur la table de la cuisine, les petites courgettes et la côtelette d’agneau le plus souvent ; il me rappelle l’homme qui patiente, chaque samedi, devant le lycée, le regard tourné vers la colline où, dans quelques instants le petit nuage de fumée délivrera le joyeuse bande de jeunes sortant en chahutant et parmi lesquels il reconnaitra son fils ; il m’évoque le frémissement de la main de ma calinhera dans ma main hier encore au coup de canon alors que nous débouchions dans le grand soleil du rivage en sortant de la rue Saint-François-de-Paule ; et je sais que, sigue que sigue, où que je sois, à midi, je ne peux m’empêcher de penser au coup de canon, là-bas, à Nice, que pica miegjorn et, aussi loin que je sois, je me sens chez moi, je suis niçois au fond de mon cœur…
« En ce début d’année 2020, année du 160ème anniversaire de l’Union de Nice à la France, nous allons poursuivre nos travaux autour de la question de la langue et de l’histoire.
Aussi , nous vous invitons à participer à la troisième réunion de notre groupe qui se tiendra :
Mercredi 8 janvier 2020 à 17h30
Salle du Conseil Municipal
5, rue de l’Hôtel de Ville 06364 Nice
Nous vous remercions de bien vouloir confirmer votre présence à :
comite160.connaitre@ville-nice.fr
Aqueu que lo desira l’i pòu participar.
A si veire
Viva
Joan-Pèire Spies