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Lecture publique et dédicace du dernier ouvrage de Joan-Luc Sauvaigo, Faulas de Nissa, traduit en français par Miquèl de Carabatta.

le samedi 25 avril 2015, à 17h, Librairie Niçoise, Rue Defly à Nice (entre le Mamac et l’Hôpital St Roch)

Présence des deux écrivains, présentation de l’oeuvre, lecture de quelques morceaux choisis, dédicaces…

Une Ecriture hors-norme de la part “d’un qui fait de la poésie mais qui n’est pas poète”, néanmoins, artiste le plus prolixe en niçard à ce jour…


Joan-Luc Sauvaigo, Faulas de Nissa – Fables de Nissa, Montpeirós, Jorn, 2015.

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“Les éditions Jorn livrent ces jours-ci, fidèles à leurs habitudes de publication bilingue occitan-français, un deuxième ouvrage de Joan-Luc Sauvaigo, après un premier recueil paru en 2007, Compendi derisòri dau desideri – Compendium dérisoire du désir, réunissant l’essentiel des publications antérieures de ce poète « nissois » qui n’est pas un inconnu dans la littérature occitane. En effet, depuis une publication déjà ancienne chez PJ Oswald en 1974 qui imposa son nom dans la poésie occitane, Joan-Luc Sauvaigo n’a pas arrêté de tisser la trame d’une œuvre poétique exceptionnelle, œuvre recentrée perpétuellement sur Nice et l’ouverture poétique et littéraire d’outre atlantique que soulignent pour Sauvaigo les modèles constitués par les écrivains de la Beat Generation, surtout Jack Kerouac ainsi que d’autres poètes et romanciers comme Richard Brautigan par exemple. Recentrement et ouverture seraient donc les deux pôles constitutifs de cette poésie de l’errance niçoise et mondiale, de cette pérégrination ontologique où le poète cherche perpétuellement son ombre à laquelle il pense d’ailleurs, dans un mouvement contradictoire, échapper.

« Nissa » et non « Niça ». Nissa ou (Niça en occitan, Nisse en français) s’oppose en effet à Nice, cette ville aseptisée, remodelée, cette town sans âme ou préfabriquée pour des séjours plus ou moins terminaux. Nissa, c’est aussi le lien intime entre le sujet et sa ville, entre la mémoire qui se découvre et sa restitution, son action dans le présent et la recomposition du temps. Sont ainsi évoqués dans ces Fables les héros mythiques d’une Nisse, les premiers occupants de Terra amata, les Ligures et bien sûr Catarina Segurana et Giuseppe Garibaldi, héros de l’indépendance italienne et révolutionnaire au destin tragique (on ne dit jamais assez en France que « Pepin » Garibaldi était niçois, né sujet italien, mais niçois, contradiction piquante de l’histoire de voir célébré un héros italien dont la ville de naissance est aujourd’hui française). Cependant, ce sont dans les pages les plus intimes où le particulier et le singulier recouvrent le collectif que le poète impose un sujet personnel : les évocations tendres de la grand-mère, de la mère, d’un monde à jamais enfui, celui de l’enfance et de l’adolescence, d’un temps désormais passé que le présent restitue sans nostalgie, mais avec une délicatesse et un plaisir discrets mais savoureux. Nisse n’est donc pas Nice, vraiment pas, et il fallait ce déplacement orthographique pour l’imposer et pour donner les formes et le contenu d’une poésie originale, celle que le temps ne peut complètement effacer, car, quoi que nous fassions, nous revenons toujours aux images de l’enfance, fussent-elles heureuses ou malheureuses. Elles constituent pour le sujet poétique Sauvaigo, le lien indispensable entre l’histoire collective et personnelle, entre la réappropriation commune et le souvenir intime, ce geste des jours que l’on ne peut concevoir que dans une transhistoricité, un dépassement des évènements par la présence affirmée de cet intime.

On songe évidemment en lisant Joan-Luc Sauvaigo à une famille poétique précise, celle des américains dont nous avons déjà parlé (nous devrions rajouter le nom de Whitman, grand ancêtre de cette poésie de « traverse »), mais aussi de quelques poètes français rendus aux pérégrinations de la nuit urbaine (Aragon et son Paysan de Paris) ou d’autres encore. Nous devrions également concevoir que Sauvaigo appartient sans conteste à la littérature occitane, mais y échappe quelque peu par sa marginalité revendiquée : extrême niçois qui le fait écrire, linguistiquement et thématiquement, sur les marges, refus d’un embrigadement régionaliste, critique acerbe de ce que fut un occitanisme réducteur… Enfin, et c’est peut-être là l’essentiel, Sauvaigo fait partie d’un vaste mouvement culturel niçois qui s’exprime par sa voix en occitan : peinture, musique et poésie (nous pouvons citer le nom d’un autre Niçois, Daniel Biga, peu commenté de nos jours) ont constitué et constituent encore un univers singulier qui a su articuler un réel ancrage niçois avec l’ouverture la plus grande vers une cosmologie totale, une brèche ouverte à coups de mots et d’images dans la réduction régionaliste et qui ne compose pas avec le monde ainsi offert. D’un certain point de vue, nous pourrions affirmer, de façon provocatrice (mais la provocation poétique plaît à Joan-Luc Sauvaigo) que San Francisco est devenu une banlieue de Nisse.

Lisons donc ce poète aux accents rares, lisons le et donnons lui la chance et le bonheur de le lire autrement que par ses caractéristiques linguistiques, sortons cette poésie occitane de son occitanité réelle, mais parfois réductrice : elle constitue cette ouverture qu’accompagnent toutes les brises poétiques, celles qui vous emportent au large, pour le plus grand désir des mots et des images.

Jean-Yves Casanova

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