“Le mois de mai est arrivé, le plus beau est pour maintenant…”. C’est ainsi que commence la chanson “Lou festin de li Verna” de François Guisol (1803-1874) écrite en 1821 en l’honneur d’une fête champêtre qui avait lieu chaque année dans le quartier des “Verna” à Nice, sur la rive gauche du Var, au lendemain de Pentecôte.


Le mois de mai est considéré comme le plus beau de l’année. Ce mois est le symbole de la belle saison et de la jeunesse. Un peu partout en France, cette période est prétexte à des manifestations qui intéressent la collectivité.

Dès le premier mai, on donne le “mai” aux jeunes filles : selon les régions, les jeunes gens déposent à la porte de “belles” un bouquet de roses, de muguet ou de thym (farigola), signe de déclaration amoureuse.

Selon le “Petit guide Fêtes n° 127 ATP” (1991) du Musée des Arts et Traditions Populaires, l’habitude d’offrir du muguet le premier mai daterait de la fin du 19 ème siècle et aurait pour origine les villes de Compiègne, Rambouillet et Meudon.

Cette habitude d’offrir à la fille qu’on courtise un “mai”, arbre, branches ou fleurs est ancienne. Elle est signalée dès le XIII ème siècle et trouverait ses origines lointaines dans les fêtes païennes consacrées à la déesse Maia (fêtes de Cybèles).

Chaque fleur ou essence possédait un sens précis et était interprété en véritable code sexuel végétal. En Provence on offrait des roses ou du thym aux filles les plus “sages”. La plainte d’un abandon était signalée par un bouquet de romarin, tandis que la certitude d’être trompé se marquait par une brassée d’orties. En Bourgogne, on offrait aux jeunes filles sympathiques une branche de charme tandis qu’à celle de moeurs plus légères, une branche de sapin.

Pour les catholiques, le mois de mai est celui consacré à la vierge Marie. Parmi les fêtes qui lui sont dédiées, signalons les “mays” de Notre Dame de Paris où à partir de 1449, les orfèvres de la ville offraient à la Vierge Marie un arbre vert au premier mai, puis des poèmes en écrin d’or ciselé. Plus tard aux XVII ème et XVIII ème siècles, ce furent des tableaux signés par des grands peintres.

Les “mais” dans le Pays-Niçois

Dans le Pays-Niçois, la tradition de planter un “arbre de mai fleuri” perdure. L’arbre de mai est considéré comme symbole de la fécondité nouvelle. Cette fête fut d’abord campagnarde. Les jeunes gens plantaient “lo mai“, en général un pin droit, décoré de guirlandes, devant la porte de la jeune fille qu’ils aimaient. Par extention on plantait “lo mai” devant la maison d’une personne que la collectivité voulait honorer : maire, curé, congrégation… Cette fête assimilée par l’Eglise, donnait lieu parfois à une bénédiction de l’arbre.

Cette tradition s’étendit aux villes, dans les quartiers, où la jeunesse prit l’habitude de “virar lo mai“, c’est à dire de faire des rondes ou “brandi” sous un motif fleuri central prolongé par des guirlandes. Ces guirlandes d’abord végétales (buis, lentisque, laurier, myrte, palme) furent remplacées peu à peu par du papier coloré et des lampions.

Dans son journal du 6 mai 1876 Marie BASHKIRTSEFF (1860-1884) exprimait sa joie et sa satisfaction d’avoir participé à cette fête :

“… vous savez qu’à Nice existe l’usage de tourner le mai, c’est à dire on suspend une couronne, une lanterne et on danse, au-dessous, des rondes en chantant…

Eh bien ! moi je leur donne un rossigno ; je nomme cela ainsi parce que le Rossigno que vola (“lo rossinhòu que vòla” chanson déjà très en vogue au XVIII ème siècle), c’est la chanson la plus populaire et la plus jolie de Nice. J’ai fait préparer d’avance et suspendre au milieu de la rue (rue de France), une machine de feuillage et de fleurs toute armée de lanternes vénitiennes… J’ai chanté et tourné avec tout le monde, à la joie des bons Niçois, surtout des gens du quartier qui me connaissent tous… Ce qui leur a plu c’est que j’ai chanté et dit quelques mots en patois… Et le feu d’artifice terminé par un “soleil” magnifique, nous sommes rentrés chez nous au milieu d’un murmure de satisfaction.”

Une reine pour le “mai”

Le dernier soir du mois de mai, on procède à l’élection d’une reine des “mais”. La tradicion veut que la jeune fille soit revêtue du costume traditionnel niçois. Elle demeurera “Regina dau mai” (reine du mai) jusqu’à une nouvelle élection l’année suivante. Jules EYNAUDI écrivit à ce propos une poésie : “La regina dóu mai” qu’il publia dans l’Armanac Nissart (l’almanac niçois) en 1934 :

Se voulès saupre lou perque
Dóu mai mi plas d’estre la regina
Lou vou dirai li a de qué
Se voulés saupre lou perqué
Emé passioun aimi Francé
Qu’esta dapé ma tanta Fina
Si calignan, es lou perqué
Dóu mai mi plas d’estre la regina
Lu mieu poudé duron qu’un an
E vou laissi la miéu courouna
Ensin lou vòu Dieu qu’es gran
Lu mieu poudé duron qu’un an
Au car Francé douni la man
Lou prim’amour noun s’abandouna
Lu mieu poudé duron qu’un an
E vou laissi la miéu courouna

(Si vous voulez savoir pourquoi, Je veux être reine du mai, Je vous le dirai, il y a de quoi ; Si vous voulez savoir pourquoi, J’aime avec passion François, Qui habite près de chez ma tante Joséphine, Nous nous courtisons, c’est le pourquoi ; Je veux être reine du mai, Mes pouvoirs ne durent qu’un an, Et je vous abandonne ma couronne, Ainsi le veut Dieu qui est grand, Mes pouvoirs ne durent qu’un an, Au cher François je donne la main, Le premier amour ne s’abandonne pas, Mes pouvoirs ne durent qu’un an, Et je vous abandonne ma couronne.)

Les “mais” regroupés de Cimiez

A Nice, dans les années 1960 les “mais” de Quartiers ont été regroupés à l’initiative de la municipalité, dans les jardins de Cimiez pour des raisons liées essentiellement à la circulation automobile. Les niçois de souche ou d’adoption répondent chaque année à l’appel des “mais” tous les dimanches. On peut évaluer entre 15 000 et 20 000 personnes la fréquentation à cette manifestation.

Toutefois à l’initiative de Comités de Quartiers, d’enseignants ou d’individualités, un certain retour aux “mais de quartiers” semble se dessiner. Rendre aux “mais” un caractère plus intime que confère le quartier et une meilleure appropriation du “mai” par ses habitants semblent être les raisons principales de ce retour aux sources. Désormais on voit fleurir quelques “mais indépendants” dans la cour d’une école, placettes ou Maisons des Jeunes et de la Culture.

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