Le hasard de nos recherches nous a fait découvrir d’autres formulettes hors espace occitan. Nous vous en présentons deux sur le thème de la chasse.
La première de Toscane (Italie) possède une introduction qui commence par la paume. Son originalité réside dans le fait qu’elle est une synthèse des deux catégories de formulettes sur les doigts que nous venons de voir : celle qui apprend à nommer chacun d’entre eux et celle qui leur leur attribue un rôle.
Ci passò una lebre pazza
Il pollice gli tirò
L’indice l’acchiappò
Il medio la cucinò
L’annulare la mangiò
Al piu piccino
Non gline toccò nemmeno
un pezzetino.
(Sur la place, belle place, Y passa un lièvre fou, Le pouce lui tira, L’index l’attrapa, Le majeur la cuisina, L’annulaire la mangea, Au plus petit il ne lui resta même plus un tout petit morceau.)
La seconde formulette plus inattendue provient de Hongrie. Dans cette dernière, le prénom de l’enfant est cité. Il s’agit donc bien, comme mentionné précédemment, d’apprendre à l’enfant à se situer au sein de la famille.
Ez megfogta
Ez megfözte
Ez megette
Pici Gyurkànak semmi sem maradt.
(Celui-ci est allé à la chasse, Celui-ci l’a attrapé, Celui-ci l’a fait cuire, Celui-ci l’a mangé, Et le petit Georges n’a rien eu)
La dernière formulette recueillie nous la devons à D.L.M. qui nous écrit de temps en temps sur le site. Voici donc sa formulette en Tendasque :
Quée va ar murin,
Quée fa i tayarin,
Quée se mangia tütu,
E quée derée der üsciu cun na s-ciapa de perüssu.
E il ajoute : « En niçard faria coma aquò : aqueu va cercar de bosc (lo det gros), aqueu va au molin (aqueu que mòstra), aqueu fa lu talharins (lo det dau mitan), aqueu si manja tot (lo det de l’anèu), e aqueu, darrier de la pòrta, emb’un mocèu de pera. (lo marmelin) »
(Celui-là va chercher du bois, Celui-là va au moulin, Celui-là fait de talharins (pâtes), Celui-là mange tout, E celui-là, est derrière la porte avec un morceau de poire.)
Pour terminer, nous présentons une formulette niçoise sur les doigts de la main dont l’originalité réside dans le fait qu’elle n’utilise que trois doigts de la main : le pouce, l’index et l’auricullaire.
Cette formulette nous la devons à la mère de Caga-Blea (à qui nous devons l’ossature du site et le montage photo de la page d’accueil).
Chaque doigt y joue un rôle bien défini : la personne qui frappe à la porte (Jàcol « gallicisme de Jaume », Jacques en français ; l’enfant et sa mère.
Au début de la formulette les doigts sont repliés. Ils se dressent et se replient aussitôt leur texte dit. Pour commencer le pouce frappe trois fois sur l’index replié.
L’enfant (l’index) : Man !
La mère (l’auriculaire : Òu !
L’enfant : Pican !
La mère : Demanda cu es ?
L’enfant : Ma maire demanda cu siatz ?
Jàcol : Siau Jàcol !
L’enfant : Man !
La mère : Òu !
L’enfant : Es Jàcol !
La mère : Ditz-li que rentre !
L’enfant : Ma maire a dich que rentrèsses !
Jàcol : « Bonsoir ».
( Toc, toc, toc ! Maman !, Quoi !, On tape à la porte, Demande qui est-ce ?, Ma mère demande qui vous êtes ?, C’est moi Jacques !, Maman!, Quoi ?, C’est Jacques ! Dis-lui d’entrer ! Ma mère a dit que tu rentres ! Bonsoir !)
Dans cette formulette bâtie comme une petite scène de théâtre, les trois coups « pan, pan, pan » interviennent comme un lever de rideau. L’enfant y tient le premier rôle. La position qu’il occupe lui permet de dialogue tantôt avec « Jàcol » près de la porte, tantôt avec sa mère éloignée (sans doute occupée dans une autre pièce de l’appartement). L’habileté du conteur consistera à moduler sa voix, afin de restituer la proximité ou l’éloignement qui existent entre les différents « acteurs » de la scène.
Jacòl parle français, il dit « bonsoir » en entrant. En niçois on dit « Bòna sera » ou « Bòn vespre », il vient voir la mère de l’enfant avec des intentions « malhonnêtes ». La preuve ! La voici : si on dit la formulette rapidement on a l’impression que l’index et l’auricullaire sont dressés et les autres doigts repliés. Y aurait-il un cocu dans la famille ?