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Didier LANTERI, autor contemporan ben conoissut per lo sieu Diccionari francés-brigasc e finda per d’autres escrichs en niçard, en brigasc, tendasc e ne’n passi (cf. : Antò PITURINA), ven de nos mandar un estudi sus lo preterit brigasc.

Un pauc a la maniera de J-R RANCHER que diía embé malícia que lu sieus vers « a la fin son còntra l’insomnia » l’autor vos prepaua la lectura dau sieu travalh per aquestu moments :

« A ceux qui parmi vous auraient des insomnies d’endormissement et qui seraient éventuellement intéressés par les idiomes de Tende et de La Brigue, je vous adresse en pièce jointe un puissant somnifère…

En vous souhaitant une bonne lecture pour cet article que j’ai commencé en 2010… et que j’ai terminé aujourd’hui… » (26 juin 2010-18 mai 2014)

Per aqueli e aquelu qu’aurian pas liejut lo principi d’aquest estudi :


Per legir la premiera partida : http://ieo06.free.fr/spip.php?article2705

Per legir la segonda partida : http://ieo06.free.fr/spip.php?article2715

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– le verbe mettre (metu en brigasque)
Verbe fort à toutes les personnes en français, le verbe mettre l’est aussi aux trois personnes classiques (SG1, SG3, PL3) en ancien français, italien et occitan ancien avec en outre en occitan ancien une alternance vocalique peu commune puisqu’elle affecte aussi SG3 et PL3.

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La parabole donne pour ce verbe un SG3 faible (mettev) ce qui est surprenant. On se serait effectivement attendu à un paradigme fort selon le modèle occitan ancien ou ancien français. Mais nous n’avons malheureusement aucun argument permettant de savoir si le mettev de la
parabole correspondait effectivement à la forme en usage au début du XIX° ou bien s’il s’agit d’une erreur, hypothèse fort possible si l’on compare la situation du passé simple brigasque au début de XIX° siècle à celle du passé simple français en ce début du XXI° siècle, et ce d’autant plus pour quelqu’un qui ne serait pas habitué à le pratiquer. Car cette traduction n’a
pu être effectuée que par un lettré, c’est-à-dire un notable dont la langue de travail était davantage l’italien ou le français.

Or Schädel n’a-t’il pas noté que ce temps était surtout pratiqué chez les contadini ? Ainsi ce mettev ne serait-il pas comme ces « il metta » qu’il arrive quelquefois à des enseignants de trouver de nos jours dans des dissertations de jeunes collégiens ? Mais dans le doute, nous considérerons que le verbe mettre avait au passé simple un paradigme faible au XIX° siècle en brigasque.

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– le verbe voir (veiru en brigasque)

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Le verbe voir apparaît dans la parabole au passé simple au SG3 sous la forme vit dont on pense que le t final a été rajouté par un traducteur influencé par l’orthographe française qui l’impose bien qu’il ne se prononce pas. L’occitan ancien a vi et nous retenons cette forme. Toujours en occitan ancien, on constate que le verbe est fort à toutes les personnes c’est pourquoi nous proposons selon le même modèle les paradigmes ci-dessous :

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– Le verbe venir (vënìi en brigasque)

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Una gran carestia veniv en quer pais… La parabole donne un SG3 faible alors que, comme plus haut pour le verbe mettre, on se serait attendu à une forme forte. Aussi, nous ne pouvons que rester fidèle à cette seule source et proposer un paradigme faible :

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La parabole ne donne pas d’autres verbes pour la troisième conjugaison et nous nous limiterons à ceux-là pour notre tentative de reconstruction du passé simple. Il y a encore beaucoup de travail à effectuer dans cette conjugaison avec en particulier les verbes modaux (purée, vurée, dëvée), les très nombreux verbes irréguliers qui s’y trouvent, qu’il s’agisse des
verbes à participe passé fort (giugnu/giunt), ceux à participe passé en ert (drövu/düvèrt), le verbe savée, ou encore les verbes varée, carée, ciouru, etc.

Le passé simple faible des verbes mettre (mettev) et venir (veniv) donné dans la parabole montre que dans notre travail à venir il ne faudra pas forcément rechercher des formes fortes aux verbes dont le paradigme et fort en français ou en italien. La forme de l’imparfait du subjonctif, très utilisé en brigasque ou en tendasque, devra constituer une aide car on connaît la proximité entre le passé simple et l’imparfait du subjonctif, tous deux ayant comme ancêtre le parfait latin.

d. Les verbes auxiliaires

– L’auxiliaire être

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Le paradigme récolté par Massajoli pour le verbe être (füvì, füstu, fü ( ?), füvìma/füvìm, füvìst, füvu) est caractérisé par deux particularités si on le compare aux paradigmes des langues cidessus :
– alternances dans le paradigme de formes faibles (SG1, PL1, PL2) et de formes fortes (SG2, SG3, PL3), alors qu’elles sont toutes fortes (ancien français, français, italien, occitan ancien) ou toutes faibles (occitan et niçois modernes) (3) ;
– absence d’alternance vocalique dans le radical ([y] à toutes les personnes) comme en français (moderne et ancien) mais contrairement à l’italien (alternance [u]/[o]) et à l’occitan ancien (alternance [y]/[u]) ; toutefois Massajoli assortit le du SG3 d’un point d’interrogation qui invite à la prudence.

La parabole ne nous apporte que très peu d’éléments dans la mesure ou le fou qu’elle nous donne dans une graphie tâtonnante est difficilement interprétable : est-ce un [fu] ou un [fuv] ? Mais dans les deux cas, cela diverge avec le de Massajoli.

Schädel, lui, n’évoque qu’un füve en tendasque sans en préciser la personne ; s’agissait-il de SG1 ou de SG3 ?

En l’absence d’arguments objectifs plus précis, nous proposerons pour le SG3 brigasque la forme füv que nous donnons aussi au SG1 en deuxième forme possible aux côtés du füvì de Massajoli. (2)

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A ce stade du travail, il apparaît important de s’arrêter un moment sur le PL3. Très clairement proparoxytonique en tendasque ([‘e.ve.ɹu], [‘i.ve.ɹu] ou [‘y.ve.ɹu]), nous avons systématiquement proposé pour le brigasque une graphie suggérant l’élision de la voyelle post-tonique (li mangévëru, li finìvëru, li füvëru). Ce faisant, nous nous sommes écartés à la fois de la parabole (li commencero) et du füvu de Massajoli. Notons en outre que Rita Claudo dans son livre déjà évoqué donne la forme füru (E fei füru a la susta) qu’elle cite pour l’avoir entendue dans la bouche d’un aiëul.

Ces divergences ne sont pas incohérentes et peuvent mêmes être considérées comme un apport intéressant, car elles montrent que l’élision de la voyelle post-tonique et qui met au contact du V qui suit immédiatement la voyelle tonique le R rétroflexe noté ř en tendasque, conserve à ce R son caractère rétroflexe qui fait que l’auditeur hésite entre un V et un R. Voilà sans doute ce qui a fait que les témoins auditifs ont pu adopter soit la notation graphique V soit la notation R. C’est pourquoi, il nous apparaît important de conserver à l’écrit le E placé entre les deux consonnes mais qu’il convient de noté ë afin de signifier son caractère muet.

– L’auxiliaire avoir

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Le passé simple de l’auxiliaire avoir n’apparaît à aucun moment dans la parabole. Massajoli évoque seulement le PL1 pour lequel il lui aurait été rapporté deux formes possibles, uvìm ou üvìm.

Lorsque l’on regarde le tableau ci-dessus, on constate qu’en ancien français comme en italien, il existe une alternance vocalique. On constate également qu’en occitan ancien et en italien il y a une alternance consonantique entre personnes fortes et faibles. Et enfin l’on constate que pour ces trois langues, SG2 est faible (eüs, avesti, aguist).

La situation est donc assez différente de celle de l’auxiliaire être, c’est pourquoi nous proposons ci-dessous un modèle classique caractérisé par la présence de trois personnes fortes (SG1, SG2 et PL3) et trois personnes faibles (SG2, PL1, PL2) avec une alternance vocalique ü/u.

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La disparition du parfait haut-royasque s’est étalée tout au long du XIXe siècle et c’est à La Brigue qu’il semble avoir survécu le plus longtemps. Ce phénomène trouve probablement son explication dans un changement culturel : la fin de l’usage du récit dans cette langue, sans doute à cause de la poussée de langues dominantes culturellement (italien, français). Les langues maternelles, brigasque ou tendasque, conservaient néanmoins leur usage mais davantage pour l’anecdote, le vécu, le réel, pour des faits reliés au présent et pour lesquels le passé composé suffisait à la relation.

Après avoir perdu leur statut culturel, tendasque et brigasque sont aujourd’hui à l’agonie, et on peut dire que les derniers locuteurs naturels sont tous nés avant 1950.

C’est probablement pour lutter contre cette mort annoncée – sans doute s’agit-il d’un réflexe de survie à la manière des fasciculations musculaires pre-mortem que l’on constate chez l’agonisant – que les dialectes
tendasque et brigasque sont passés au début des années 1980 à l’écrit, grâce notamment au travail remarquable de Pierleone Massajoli et avec lui l’énergie de nombreux passionnés natifs de la zone et locuteurs naturels (associations A Vastera et Il Nido d’aquila notamment). D’une langue exclusivement parlée, ces idiomes deviennent désormais des langues bientôt exclusivement écrites, d’où ce besoin de retrouver le temps du parfait, indispensable à l’écrit.

La reconstruction proposée dans cet article comporte sans aucun doute des erreurs, mais elle n’est qu’un point de départ qui a pour but d’initier une réflexion plus développée.

Enfin, il convient de garder à l’esprit que les éléments objectifs qui ont servi de base à ce travail doivent être examinés avec beaucoup de prudence car les biais de recueil sont certainement importants : si aujourd’hui la langue française n’était que parlée et qu’il n’existât aucune documentation écrite, aucun dictionnaire, aucun livre de conjugaison, et qu’un linguiste allemand vînt enquêter dans un village de France sur la forme du passé simple, les éléments qu’il recueillerait devraient très certainement être aussi
sujet à caution.

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J’ai trouvé dans les archives d’état-civil de Tende un certain Onorato Caissotti décédé à Tende le 12 août 1902 à l’âge de 80 ans. Né le 19 décembre 1822 au foyer de Giovanni-Battista Caissotti et Maddalena
Ghio, Johannes Honoratus, tel qu’il fut baptisé, avait pour parrain Johannes Honoratus Guido, pharmacien à Tende.

J’aime à penser que cet Onorato Caissotti, qui avait 8 ans en 1830 et qui mourut célibataire à 80 ans, fût ce singolo individuo di Tenda qui renseigna l’allemand Schädel et sans lequel cet ébauche d’article n’aurait jamais
pu être amorcé.

Didier LANTERI

Bibliographie :

Imbert L. L’enquête sur les dialectes dans les Alpes-Maritimes en 1812. Nice Historique, 1937 ; 5 : 147-159.
Lanteri Didier. L’enquête sur les dialectes dans les Alpes-Maritimes en 1812. R nì d’àigüra, 1989 ; 12 : 11-12.
– Schädel Bernhard. Il dialetto di Ormea. Cavallermaggiore : Gribaudo, 2000 :158p.
Alibert Lois. Gramatica occitana segon los parlars lengadocians. Tolosa, barcelona : Institut d’Estudis Catalans i Institut d’Estudis Occitans, Facsimil de la segonda edicion de 1976 deguda a Ramon Chatbèrt : 530p.
Romieu Maurice, Bianchi André. Le lenga del Trobar. Precís de gramatica d’occitan ancian. Presses universitaires de Bordeaux,
2002 :200p.
Massajoli Pierleone. Dizionario della Cultura Brigasca, Vol. 2 : grammatica. Alessandria : Edizioni dell’orso, 1996:91p.
Claudo-Furlan Rita. Il chantait : fiocca la neve. La Brigue, 2013:219p.

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