Briga13.jpg

Didier LANTERI, autor contemporan ben conoissut per lo sieu Diccionari francés-brigasc e finda per d’autres escrichs en niçard, en brigasc, tendasc e ne’n passi (cf. : Antò PITURINA), ven de nos mandar un estudi sus lo preterit brigasc.

Un pauc a la maniera de J-R RANCHER que diía embé malícia que lu sieus vers “a la fin son còntra l’insomnia” l’autor vos prepaua la lectura dau sieu travalh per aquestu moments :

“A ceux qui parmi vous auraient des insomnies d’endormissement et qui seraient éventuellement intéressés par les idiomes de Tende et de La Brigue, je vous adresse en pièce jointe un puissant somnifère…

En vous souhaitant une bonne lecture pour cet article que j’ai commencé en 2010… et que j’ai terminé aujourd’hui…” (26 juin 2010-18 mai 2014)

Per aqueli e aquelu qu’aurian pas liejut lo principi d’aquest estudi :


Per legir la premiera partida : http://ieo06.free.fr/spip.php?article2705

Briga13.jpg

Grâce aux éléments fournis par Bernhard Schädel et à ceux de la parabole de l’enfant prodigue, le travail de reconstruction du prétérit brigasque pour ces verbes semble assez aisé :

– adoption de la désinence SG 2 en [u] pour le brigasque (ti parlestu au lieu du ti pařlesti tendasque) ;
– adoption de la désinence PL1 en [a] pour le brigasque ( parléstima au lieu du pařléstimu tendasque) ;
– chute de la voyelle atone finale au SG1, SG3 (parlev au lieu du pařleve tendasque) et au PL2 (parlest au lieu du pařleste tendasque) ;
– la seule interrogation qui demeure est le PL3 : si la parabole milite pour une désinence en [‘e.ru] (li comencero que nous écririons aujourd’hui avec nos règles graphiques li cumënseru), la forme tendasque proparoxytonique en [‘e.ve.ɹu] milite davantage pour un brigasque en [‘e.vɹu] (li cumënsevru).

Au total, il est très probable que le passé simple des verbes de la première conjugaison était au début du XIX° siècle très proche des paradigmes du tableau ci-dessous.

BRIGA2.jpg

b. les verbes de la deuxième conjugaison

La deuxième conjugaison en français est une conjugaison régulière qui se caractérise par une désinence à l’infinitif en –ir et un participe présent en -issant. Ces verbes sont dits inchoatifs.

Le tableau ci-dessous donne les paradigmes au passé simple de ces verbes dans les langues qui nous intéressent.

BRIGA3.jpg

Comme on peut le voir dans ce tableau, la particule inchoative intercalaire ss n’est présente qu’en niçois moderne et jamais dans les formes plus archaïques.

Dans la parabole, le passé simple des verbes en –ìi se fait au SG3 en iv (se pai insciv’ de fora – er li partiv r’se ben). La forme insciv est le passé simple du verbe inscìi qui n’est plus utilisé aujourd’hui mais qui correspond au verbe italien uscire ou encore à l’occitan ancien eissir, inchoatif ni dans l’une ni dans l’autre langue. Il est donc autorisé de penser qu’il ne le fut pas non plus en brigasque.

La forme partiv est le passé simple du verbe partìi avec le sens de partager. Aujourd’hui nous utiliserions plutôt spartìi, verbe inchoatif (je partage : spartiscë) alors que verbe partìi qui a le sens de partir n’est pas inchoatif (je pars : e part). Mais le s prosthétique de spartìi a dû se perdre dans le double travail de transcription manuscrite puis typographique d’un dialecte jamais écrit jusqu’alors.

C’est pourquoi la forme partiv est sans double le passé simple d’un verbe inchoatif de la deuxième conjugaison et l’on constate donc l’absence de la particule inchoative intercalaire au passé simple en brigasque, et cela apparaît très cohérent dans la mesure où aujourd’hui, cette particule n’existe en brigasque qu’aux présents de l’indicatif, du subjonctif et de l’impératif.

Mais qu’en était-il en tendasque ? Contrairement au brigasque, le tendasque de nos jours intercale la particule inchoative (-sc) à tous les temps simples de tous les modes et y compris à l’infinitif pronominal (capisceřsè : se comprendre). Ainsi je compris se disait-il en tendasque capive ou bien capisceve ?

Le fait que Schädel écrive : le forme terminavano a Tenda per la I, II, III coniugazione in : -eve, -esti, -eve, -estimu (oppure -estemu), -este, -everu, pourrait être un argument en faveur de la forme inchoative capisceve car Schädel n’évoque à aucun moment la désinence ive.

Toutefois, les désinences du passé simple tendasque étant assez archaïques, on serait tenté de pencher plutôt pour l’absence de la particule intercalaire dans la mesure où les seules exemples dans nos références de formes inchoatives appartiennent à des paradigmes modernes, qu’il s’agisse du niçois (-ss) ou de l’occitan standard (-gu). On peut donc proposer la reconstruction ci-dessous pour la deuxième conjugaison :

BRIGA4.jpg

Dans le tableau ci-dessus on propose au PL1 pour les formes non inchoatives une voyelle post-tonique en E dans la mesure où la tonique est en I (finìstema, finìstemu) alors que quand la tonique est en E (forme inchoative) on est tenté de conserver la post-tonique en I
(finiscéstimu).

Schädel avait noté la possibilité des deux voyelles post-toniques (-estimu oppure – estemu) ce qui peut être considéré comme un argument en faveur de la forme non inchoative (finìstemu plutôt que finiscéstimu).

c. les verbes de la troisième conjugaison

En français, la troisième conjugaison est un groupe très hétérogène où l’on met tous les verbes qui n’appartiennent pas aux deux premières. Mais l’on n’y trouve pas que des verbes totalement irréguliers car il y a des sous-groupes au sein desquels les verbes se conjuguent de la même façon (verbes en –ir, verbes en –oir, verbes en –re).

De la même façon en brigasque et en tendasque, dans cette conjugaison, il existe des sous-groupes qui se caractérisent par une régularité de conjugaison. C’est le cas en particulier des verbes en –u [u] (-e [e] en tendasque) dont le participe passé est en –ü [y] (-üu [yu] en
tendasque) – exemple : vendu/vëndü (vende/vendüu en tendasque).

A côté des verbes comme vendu existent dans cette conjugaison un autre sous-groupe caractérisé par une régularité stricte en tendasque (infinitif toujours en –e [e] et participe passé toujours en –üu [yu]) mais par la possibilité en brigasque d’un double infinitif (-u [u] ou –ìi [i:])
ainsi que d’un double participe passé (-ü [y] ou –ì [i]). Le verbe brigasque sëntìi (entendre) est de ceux-là : en tendasque l’infinitif est toujours sente et son participe passé sentüu ; en revanche
en brigasque on peut rencontrer les deux formes infinitives sëntìi et sentu tout comme l’on peut rencontrer les deux formes participes sëntü ou sëntì. Pour les verbes de ce sous-groupe, en brigasque, la désinence des PL1 et PL2 au présent de l’indicatif est toujours en i (sëntima, sëntí) alors que dans le sous-groupe précédent elle est toujours en e (vëndema, vëndé).
Dans la parabole, on rencontre le passé simple du verbe sëntìi : ’r sentiv sonàa e cantàa.

On propose donc pour les verbes « réguliers » de la troisième conjugaison les passés simples ci-dessous :

BRIGA6.jpg
BRIGA7.jpg

Le principe que l’on retient est donc :
– pour le passé simple des verbes du sous-groupe de vendu/vende (absence totale de la lettre i) celui de la voyelle tonique E tant en brigasque qu’en tendasque à toutes les personnes avec une voyelle I post-tonique à PL1 (-éstima, -éstimu) ;
– pour le passé simple des verbes du groupes de sëntìi/sentu/sente (présence possible du i en brigasque) celui d’une différence en le tendasque (idem ci-dessus : –éstimu) et le brigasque qui passe à une voyelle tonique I et une voyelle post-tonique E (-ìstema) comme pour le passé simple des verbes de la deuxième conjugaison.

– Le verbe aller (ëndàa en brigasque)

Que ce soit en français, en occitan, en niçois, en tendasque ou en brigasque, ce verbe bien qu’ayant une désinence qui évoque la première conjugaison, appartient bien à la troisième dans la mesure où il est irrégulier tant en ce qui concerne son radical que ses désinences.

Sa troisième personne du singulier du passé simple apparaît dans la parabole (andev).

Dans les langues de référence, on constate qu’au passé simple, le paradigme de ce verbe est parfaitement régulier : le radical est invariable et les désinences sont les mêmes que dans la première conjugaison :

BRIGUE8.jpg

Cette analogie très régulière avec la première conjugaison permet d’avancer pour le tendasque et le brigasque les paradigmes suivants :

BRIGA9.jpg

L’interrogation qui demeure pour ce verbe est la légère divergence entre cette forme du PL1 (ëndéstima/endéstimu) est celle rapportée par Massajoli (ëndàstema) ou encore celle que Rita Claudo cite dans son dernier ouvrage (2) : ër di ch’ëndestëma a la vòuta di tron… et qu’elle se
souvient avoir entendu prononcer en famille. La forme que nous proposons et très voisine de celle de Rita Claudo (voyelle tonique E) car seule la voyelle post-tonique varie (E muet versus I court).

– le verbe dire (dìi en brigasque)
Ce verbe a un passé simple fort comme on le voit dans le tableau ci-dessous à l’exception du niçois et de l’occitan modernes. Les formes fortes – c’est-à-dire celles où c’est le radical qui est accentué – sont grisées dans ce tableau.

En français moderne, toutes les personnes sont fortes mais en moyen français et en italien les personnes fortes sont SG1, SG3 et PL3 ce qui
est classique. L’occitan ancien est fort selon le même modèle (SG1, SG3, PL3) mais avec une variante faible au SG1 (dissí) et une variante forte au SG2 (dist).

BRIGA11.jpg

La parabole donne en brigasque la forme disch pour le SG3. Il ne fait aucun doute que ce disch maladroitement orthografié transcrivait en réalité un [diʃ] que nous écririons aujourd’hui avec nos règles graphiques discë, et donc une forme forme semblable à l’italien ou à l’occitan
ancien.

Le paradigme occitan ancien de ce verbe est très intéressant car sa séquence [faible (SG1)/ fort (SG2)/ fort (SG3)/ faible (PL1)/ faible (PL2)/ fort (PL3)] est exactement la même que celle donnée par Massajoli pour le verbe être (füvì, füstu, fü ( ?), füvìma/füvìm, füvìst, füvu) et en outre, comme pour le verbe être brigasque, il n’y a aucune alternance vocalique entre formes faibles et fortes.

C’est pourquoi il est fort tentant de proposer les paradigmes ci-dessous :

BRIGA12.jpg

Didier LANTERI

A suivre : Nous verrons la prochaine fois comment grâce aux éléments fournis par Bernhard Schädel et à ceux de la parabole de l’enfant prodigue, le travail de reconstruction du prétérit brigasque pour d’autres verbes semble assez aisé.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *