Nous publions ce jour la lettre ouverte de l’APLR (Association des Professeurs de Langue Régionale).

Pas de trêve estivale pour notre langue (et les langues de France) marginalisée un peu plus chaque jour, au point que certains, la hissent au rang de langue étrangère.

Nous encourageons tous les membres de l’IEO, associations culturelles, parents d’élèves, membres de syndicats… à intervenir comme le demande l’APLR, auprès du Rectorat, afin que les revendications évoquées dans ce courrier aboutissent.


Association des Professeurs de Langue Régionale Nice, le 11 VII 2007
– 11 avenue du Capitaine Fischer
– 06200-Nice

aplr0683@free.fr

Aux associations niçoises, aux élus, aux parents d’élèves et à tous ceux qui, de près ou de loin, peuvent contribuer à la défense et à la promotion de notre langue et de notre culture.

Le magazine Le Point vient de sortir il y a peu son N° 1813 consacré à Nice. Nous y apprenons que les « nissarts » existent encore et toujours dans la cité de Catarina et de Pepin ! Ils y constituent même – nous dit-on – une tribu, au même titre que les « british », « les bobos », les « arsonniens », entre autres catégories d’une sociologie quelque peu surréaliste.

Nous pourrions définir le « nissart » comme un indigène ou assimilé, attaché à la culture et à la langue de son terroir. Comme chacun sait et sous nos cieux cléments, la famille et l’école demeurent les deux piliers de la transmission de cette culture aux jeunes générations. Dans la réalité, seule l’école est en mesure de pérenniser une langue cohérente et d’un niveau satisfaisant, de former non seulement des locuteurs mais aussi des lecteurs et des scripteurs de l’Occitan.

C’est pourquoi, inquiets pour l’avenir de leur enseignement dans l’académie de Nice, les professeurs de Langue régionale tiennent à vous informer de la situation qui est la leur.
Créé en 1992, le CAPES d’occitan a permis à des enseignants reconnus d’assurer la pérennité de notre langue auprès des jeunes générations. Ainsi, le travail accompli depuis une quinzaine d’années a donné des résultats satisfaisants.

– A l’heure actuelle, 19 professeurs dispensent leurs cours à plus de 1600 élèves dans le secondaire. Pour la seule ville de Nice, six lycées sur sept offrent l’option nissart.
– Le niveau de la langue parlée par les élèves aux épreuves du Baccalauréat s’est sensiblement amélioré. La normalisation de la discipline et les moyens horaires équivalents aux autres langues vivantes peuvent permettre aux élèves de travailler en Langue Vivante 2 ou 3, aussi bien qu’en option.
– La mise en place d’une filière bilingue à Cuers dans le primaire a démontré la viabilité de ce genre de démarche.
– Les anciens élèves de nos classes prennent toute leur place dans la défense et la diffusion de notre langue. Ils assurent le renouvellement des troupes de théâtre (Théâtre Niçois de Francis Gag, Ròdou Nissart), animent des émissions de radio et de télévision (France Bleue Azur, Nice TV).
– Les deux derniers majors des promotions du CAPES ont été formés dans les établissements et l’Université de Nice.
– Dans les établissements, les professeurs portent des projets motivants pour les élèves et qui valorisent l’enseignement des Langues et Culture Régionales. (Théâtre, échanges internationaux, classes patrimoines, célébration du bicentenaire de Garibaldi, etc.).

Malgré ce beau potentiel, la marginalisation guette de nouveau notre enseignement et nous redoutons que des sections ne disparaissent dans certains établissements.
– Depuis 2001, le nombre de postes ouverts au concours national se réduit comme peau de chagrin. Nous en sommes réduits depuis 2003 à quatre postes annuels censés couvrir les besoins des trente-trois départements de langue d’Oc !

Notre discipline, de création récente, au lieu de disposer des « vitamines » nécessaires à sa croissance, essaye donc de grandir dans la malnutrition…

– Cette année encore, trois enseignants – sans doute découragés par l’éternelle fragilité de leur entreprise – abandonnent leur poste pour des carrières plus valorisantes. L’un d’entre eux quitte même l’Education Nationale !
– Malgré des effectifs qui ne cessent de croître, les moyens horaires ne suivent pas. Ainsi, cinquante-cinq élèves de terminale suivent un enseignement « clandestin », ne figurant pas toujours dans les emplois du temps des élèves ou les Dotations Globales Horaires. En quelque sorte, ces besoins « n’existent pas » au regard de l’administration et des dizaines d’élèves ne sont jamais répertoriés au niveau du Rectorat.
– Tous ces élèves d’Occitan « n’existant pas », leurs professeurs peuvent être requis pour enseigner « officiellement » dans leur seconde valence, au détriment de leur spécialité et vocation première.
– Dans les textes, l’accès des élèves à l’option occitan est très large : En lycée, tout le monde y a droit. En réalité et depuis quelques années, les administrations voudraient en limiter l’accès aux élèves dits littéraires, qui ne représentent plus que dix pour cent de la population lycéenne ! Ainsi, dans certains établissements, une dizaine de langues optionnelles s’arrachent ces quelques malheureux privilégiés ! D’autre part, des élèves de séries non littéraires ayant entrepris l’étude de notre langue en classe de seconde ou première se trouvent pénalisés et, contrairement aux textes réglementaires, ne peuvent plus présenter l’option au Bac…
– Le chargé d’Inspection Pédagogique Régional, contrairement à l’usage en vigueur dans les autres disciplines, ne dispose d’aucune décharge horaire pour assurer sa fonction. De fait, il ne lui est pas possible de mener de front ses obligations de personnel de direction d’une part et tout le travail d’organisation et de coordination de notre discipline d’autre part.
– Les stages de formation continue, les réunions d’harmonisation dont nous aurions besoin pâtissent de cet état de fait.
– La conseillère pédagogique pour l’enseignement primaire qui prend sa retraite a failli être remplacée par une spécialiste de la langue anglaise ! Nous sommes toujours dans l’expectative quant à la suite de cette affaire.
– On voit bien que dans ces conditions, le suivi de l’enseignement entre primaire, secondaire (collège puis lycée) et supérieur – indispensable à un enseignement cohérent – demeure une vue de l’esprit.

Cerise sur le gâteau, ou coup de Trafalgar, l’Université de Nice, pour d’obscures raisons administratives, délivre un diplôme de « Arts, Langues et Civilisations Etrangère »… spécialité Occitan ! Aux yeux de l’administration jacobine, les nissarts sont donc des étrangers en leur propre pays. Cette incongruité pourrait paraître anecdotique ou grotesque si elle ne résonnait pas dans notre cœur comme la dernière estocade pour « l’éradication des patois » que prônait l’abbé Grégoire dès la fin du XVIIIème siècle.

L’Association des Professeurs de Langues Régionales demande donc :

– L’officialisation dans les DGH des établissements des heures effectivement dispensées aux élèves, notamment en lycée.
– Une offre réelle et sérieuse en langues régionales (occitan et corse) effectivement proposée aux candidats au Bac et ce dans toutes les filières.
– Une offre en langues régionales reconnue et valorisée au même titre par exemple que les langues anciennes.
– La possibilité et les moyens pour le CM IPR d’assurer correctement sa charge.
– La nomination d’un Conseiller Pédagogique spécialiste en langues régionales disposant de ces mêmes moyens pour l’enseignement primaire.
– L’ouverture régulière du Concours Spécifique en langue d’Oc du CRPE, afin de former des maîtres aptes à développer dès le primaire un enseignement bilingue à parité horaire dans l’ensemble de l’Académie.
– Une collaboration étroite avec les diverses collectivités territoriales de façon à mettre en place une véritable politique de l’enseignement et de la transmission de notre langue et de notre culture.
– Le retour rapide dans l’Académie des titulaires du CAPES d’Occitan-langue d’Oc qui y ont été formés (il s’agit des deux derniers majors de promotion). Ils nous sont nécessaires pour remplacer les enseignants qui ont quitté leur poste.

Toutes ces revendications sont le reflet, malgré une information quasi inexistante, d’une demande forte de la part des élèves et des familles, à laquelle les enseignants ne parviennent pas à répondre de façon satisfaisante.

Le 27 juin dernier, le Ministre de l’Education Nationale, M. Darcos, a reçu les représentants de la Fédération des Enseignants de Langue et Culture Occitane, à laquelle notre association adhère. M. Darcos est donc informé de ces problèmes et, plus généralement, des difficultés que rencontre l’enseignement des langues et cultures de France… en France.

A notre niveau, il est essentiel de rappeler à tous nos décideurs que les langues régionales, ainsi qu’il a été dit au Ministre, « doivent être prises en compte comme faisant partie du patrimoine de la Nation et comme un outil de développement cognitif, intellectuel et culturel » de nos enfants. Désormais, l’étude des langues régionales débouche sur des emplois, dans l’enseignement, certes, mais aussi plus largement dans le domaine des activités culturelles, de l’animation et des médias. Ce qui est en jeu, c’est fondamentalement la dignité de ces langues et l’affirmation de leur utilité ».

Comptant sur votre soutien et sur vos interventions, auprès du Rectorat notamment, l’Association des Professeurs de Langues Régionales vous salue cordialement.

Le Président,
Michel Pallanca.

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