Cars amics e sòcis,
Pourquoi ne pas le dire, après plus de 1200 articles, nous avons sans doute négligé d’expliquer sur votre site, ce que nous disons dans nos cours de langues, conférences, conversations : la notion de langue d’oc, de dialecte, de graphies, qui nous sommes et quels sont les principes de base de l’IEO-06.
Aujourd’hui cela est réparé, nous vous souhaitons bonne lecture.
I.) LA LANGUE OCCITANE
LA LANGUE D’OC OU OCCITAN représente à côté du français, du franco-provençal, du castillan, du catalan, de l’italien, du portugais, du roumain, du sarde, etc.. une des grandes langues romanes ou néo-latines qui se sont développées à partir d’une symbiose entre, d’une part, le latin populaire, importé par les soldats, les colons romains et largement diffusé, ensuite, par l’Eglise et, d’autre part, les structures linguistiques des idiomes primitifs parlés avant l’invasion latine.
L’OCCITANIE est donc définie par une aire linguistique ; elle comprend l’ensemble des régions où l’on parle un dialecte de la langue d’oc. Le dictionnaire Larousse précise dans son article “oc” que “sa frontière septentrionale n’a guère varié depuis le Moyen Age : il s’agit d’une ligne qui part de la Gironde, remonte au nord pour englober le Limousin et l’Auvergne, et qui s’infléchit vers le sud-est pour atteindre la frontière italienne au nord de Briançon. Cet ensemble présente trois grandes aires dialectales : le nord-occitan (limousin, auvergnat, provençal-alpin), l’occitan moyen qui est plus proche de la langue médiévale (languedocien et provençal au sens restreint) et le gascon (à l’ouest de la Garonne)”. Ainsi l’occitan est parlé dans une trentaine de départements du sud de la France, le Val d’Aran espagnol et quelques vallées des Alpes italiennes. Dans ces deux dernières régions, l’occitan a un statut officiel. Ce morcellement linguistique n’empêche pas l’intercompréhension.
Le mot DIALECTE doit être pris dans son acception de variété régionale d’une langue ; il n’a aucune connotation péjorative. Aucun de ces dialectes ne peut se prévaloir d’une quelconque supériorité sur les autres ; il n’y a pas un “occitan par excellence” (qui serait, par exemple, le languedocien ou le provençal littéraire utilisé par Frédéric MISTRAL et ses disciples) : tous les parlers se valent.
Le terme “PATOIS” a été souvent employé en France pour désigner les différentes langues régionales. C’est donc par ce nom qu’est parfois appelé l’occitan. Mais dans nos régions, toute personne qui parle “patois” parle, en réalité, occitan.
Sur le plan linguistique, LA PROVENCE HISTORIQUE est traversée par la ligne (l’isoglosse) séparant les parlers nord-occitans des parlers sud-occitans (voir carte). C’est ainsi qu’au nord de cette ligne l’on dit “chamin” / “jarba”, tandis qu’au sud l’on dit “camin” / “garba”.
> Au nord de l’isoglosse, le VIVARO-ALPIN ou RHODANO-ALPIN s’étend de l’Ardèche aux hautes vallées piémontaises. Il est indissociable, sur le plan phonétique, de l’auvergnat et du limousin.
> Au sud de l’isoglosse, le RHODANO-MÉDITERRANÉEN prolonge le languedocien. Il se subdivise lui-même en :
* bas-rhodanien : Vaucluse, Pays d’Arles et nord des Bouches-du-Rhône. C’est le parler de Frédéric MISTRAL.
* maritime : littoral des Bouches-du-Rhône, Var et sud-ouest des Alpes-Maritimes.
* le complexe niçois (côtier, intérieur et oriental) auquel on rattache le mentonnais. Le monégasque est un parler ligure.
LES GRAPHIES : Les textes médiévaux en occitan (littéraires, scientifiques, administratifs…) sont écrits dans une graphie relativement unifiée et bien adaptée à la langue. Au cours du XVIe siècle, la graphie précédemment en usage tombe dans l’oubli : c’est l’époque où le pouvoir royal, avec l’Edit de Villers-Cotterêts (1539), impose l’usage administratif du français. En 1562, le duc de Savoie donne l’ordre aux notaires du Comté de Nice de rédiger désormais leurs actes en italien. A partir de ce moment-là, prolifèrent des graphies patoisantes prenant pour référence les langues officielles. Une première tentative de retour à une norme graphique a lieu au XIXe siècle : elle est conçue par Joseph ROUMANILLE et popularisée par Frédéric MISTRAL. Au XXe siècle, le lexicographe et grammairien Louis ALIBERT établit la graphie classique inspirée de la norme ancienne et adaptée à la langue moderne.
En 1951, la loi DEIXONNE autorise l’enseignement de l’occitan dans les établissements scolaires. Cette loi sera timidement complétée ensuite jusqu’à la création d’un CAPES (Certificat d’Aptitude Pédagogique à l’Enseignement Secondaire) d’occitan en 1991. Le regain d’intérêt actuel est encourageant mais ne peut suffire à assurer la survie de la langue s’il n’est pas relayé et soutenu par des mesures indispensables : enseignement effectif de la langue, utilisation plus conséquente dans les médias, aide à la création culturelle, usage administratif (même symbolique). Par delà les décisions et les organismes chacun d’entre nous est concerné.
MILLE ANS DE LITTERATURE : la langue d’oc a constitué au Moyen Age une grande langue de civilisation (cf. les troubadours). Après un renouveau au XVIe siècle (cf. Bellaud de la Bellaudière en Provence, Godolin à Toulouse, etc.) elle a connu, dès le début du XIXe siècle, avec Joseph Rosalinde RANCHER puis avec le Félibrige (fondé en 1854 par Frédéric MISTRAL, prix Nobel de littérature en 1904) une renaissance spectaculaire. Cette renaissance se confirme aujourd’hui par l’affirmation d’une conscience régionale occitane.
L’INSTITUT D’ETUDES OCCITANES (IEO) : Créé en 1945 par de jeunes écrivains issus de la Résistance, il a pour but de défendre et de promouvoir la langue et la culture occitanes par l’enseignement, la recherche, l’édition, l’information, la création et l’animation. Rappelons que la culture est facteur d’intégration sociale. Reconnu d’Utilité Publique (J.O. du 16.07.1949), agréé comme Association d’Education Populaire par le Ministère de la Jeunesse et les Sports (13.06.1986), l’IEO préconise l’usage de la graphie classique, aujourd’hui largement adoptée sauf en Provence où elle coexiste avec la graphie dite “mistralienne”.
Environ 80% des écrits en langue d’oc se font aujourd’hui dans la graphie classique.
Lecture et prononciation de la GRAPHIE CLASSIQUE :
“a” final atone : le plus souvent [o], [oe] mais [a] à Nice et dans les Alpes (exemple : Niça),
“o” = [ou] français (exemple : lo solèu),
“ò” = [o] ouvert français, parfois [oua], [ouo] selon les régions,
“nh” = [gn] français (exemple : la montanha),
“lh” = [ill] français (exemple : la filha).
II.) LES GRAPHIES DE LA LANGUE D’OC
La graphie (ou orthographe) permet la représentation écrite des mots au moyen de signes, les lettres, qui correspondent à des sons.
La valeur phonique des lettres est conventionnelle, elle est donc variable selon les langues. Ainsi, la consonne “J” ne représente-t-elle pas le même son en français, en allemand, en anglais, en espagnol, en occitan ou en catalan. Elle ne représente rien en italien où elle n’est pas utilisée. Il en est de même pour les autres consonnes et pour les voyelles.
Dès l’apparition de la langue occitane dans les écrits, aux environs de 950, et pendant le Moyen Age, les textes littéraires, scientifiques et administratifs montrent qu’une graphie relativement unifiée, héritée de la graphie du latin, est utilisée dans tout l’espace occitan.
A partir du XVIème. siècle, le pouvoir politique impose l’usage administratif du français (Edit de Villers-Cotterêts, 1539), et, en pays niçois, de l’italien (Edit de Turin, 1561) puisque Nice s’est “donnée” à la Maison de Savoie en 1388. La graphie utilisée jusque là se perd et les textes occitans sont désormais notés d’une façon fantaisiste, inspirée de la graphie du français ou de celle de l’italien.
Au XIXème. siècle, Roumanille met au point pour le provençal littéraire standard, élaboré à partir du rhodanien, une graphie qui sera celle du Félibrige. Elle se veut “phonétique” (ni le “s” du pluriel, ni le “r” de l’infinitif, ou le “t” des participes,… ne sont notés puisqu’ils ne sont pas prononcés, du moins en rhodanien) et, s’inspirant, en grande partie, de celle du français, elle est facile à apprendre pour un francophone mais son adaptation aux autres dialectes d’oc se révèle incommode.
La création de cette graphie s’accompagne d’une volonté de centralisation linguistique : le provençal littéraire standard (qualifié de “vrai provençal”), utilisé dans leurs écrits par les Félibres et par le plus illustre d’entre eux, Frédéric Mistral, est présenté comme la langue littéraire de tout le pays d’oc.
En Provence, une part des Marseillais, des Niçois et des Alpins protestent contre ce centralisme de la langue. Au même moment, en Limousin, puis en Languedoc, l’on préconise le retour à la graphie ancienne.
En 1935, le Languedocien Louis Alibert, met au point une graphie dite “classique” inspirée de la norme ancienne, mais adaptée à la langue moderne. Non phonétique, elle est unitaire, tout en respectant les différents dialectes d’oc. Elle rend accessible à chaque usager de l’occitan les textes de toutes les régions et de toutes les époques.
L’Institut d’Etudes Occitanes en préconise l’usage.
Le Félibrige, quant à lui, a choisi le provençal littéraire standard et la graphie de Roumanille pour rédiger ses textes officiels. Cependant, les Félibres ont la liberté d’employer la graphie de leur choix. Ainsi, en Provence, aujourd’hui, utilisent-ils la graphie de Roumanille, alors que dans les autres régions d’oc, ils ont opté majoritairement pour la graphie “classique”.
L’IEO plaide pour la tolérance. Considérant qu’en Provence les deux graphies “historiques” de la langue d’oc sont légitimes, l’IEO affirme qu’il convient, en tout cas, de respecter le choix des auteurs et considère qu’il est nécessaire que chacun soit capable, sinon d’écrire, du moins de lire, l’une et l’autre.
III.) Ce que nous voulons.
L’Institut d’Etudes Occitanes (IEO), est une association culturelle, selon la loi de 1901, reconnue d’utilité publique, agréée par la Jeunesse et les Sports comme association d’éducation populaire.
A l’IEO,
Nous voulons,
la reconnaissance par l’Etat français de la langue et de la culture régionales du pays d’oc dans leur diversité, comme l’on déjà fait, pour leurs langues régionales, de grands pays démocratiques européens tels l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie, le Royaume Uni et bien d’autres encore l’Autriche, le Danemark, la Finlande, la Norvège, les Pays-Bas, la Suède, la Suisse…
leur enseignement effectif pour les familles et les enfants qui le souhaitent, à tous les niveaux de la scolarité par l’application stricte des dispositions réglementaires officielles de l’Education Nationale concernant cet enseignement,
leur accès aux médias (télévision, radio, presse),
leur présence “naturelle” et “visible” dans la vie de tous les jours.
Si nos préoccupations sont aussi les vôtres,si vous approuvez nos objectifs, si vous avez envie de défendre la culture et la langue du pays menacées de disparition prochaine, que vous soyez Alpin, Niçois, ou Provençal de souche ou d’adoption, rejoignez-nous, participez à nos actions, soutenez-nous, adhérez à notre association.
IV.) Il nous semble indispensable d’approuver les principes suivants :
1° – Chaque graphie (orthographe) est légitime en Provence et en Pays niçois. Chez nous, les occitanistes ne sont pas moins Provençaux ou Niçards que les autres.
2° – Chaque graphie (orthographe) permet d’écrire tous les dialectes de la langue occitane.
3° – Ce qui fait la qualité d’une oeuvre littéraire, ce n’est pas sa graphie (son orthographe) mais son contenu. Nous avons des oeuvres de qualité en graphie italianisante (cf RANCHER), patoise française (cf Victor GELU) et, bien sûr, en graphie mistralienne et en graphie classique dans tous les pays d’oc, y compris à Nice.
4° – Quel que soit le choix, il est nécessaire de savoir, au moins, lire l’autre graphie. Les raisons du recul de l’usage de l’occitan sont à chercher bien ailleurs que du côté des graphies !
5° – Aucune association n’a le monopole de la langue et de la culture d’oc où que ce soit. Nous sommes tous au service de notre langue historique et millénaire, langue dominée.
6° – Enfin, pour terminer, nous renvoyons à l’article “Lou Sourgentin et les problèmes de graphie” (Lou Sourgentin n°30, février 1978) dont la conclusion est la suivante : “Nous appelons à la tolérance, au respect du pluralisme des graphies. Nous appelons à la collaboration de tous pour une oeuvre commune : sauver la culture d’oc et ses dialectes”.
Il est plus que souhaitable que cette prise de position sensée, faite de respect mutuel et d’humilité, devienne celle de tous les amis de la langue d’oc.